Jean Dujardin et Omar Sy : être ou ne pas être meilleur acteur ?

Nul n’est prophète en son pays. Jean Dujardin a raflé toutes les récompenses internationales pour sa performance dans The Artist, film muet  en noir et blanc de Michel Hazanavicius. Je ne vous apprends pas grand-chose. Tout comme je ne vous apprends pas qu’Omar Sy a remporté celui du César du meilleur acteur français, sous le nez de Jean Dujardin. L’on aurait rêvé qu’il décroche ce titre dans son pays natal… L’élite du cinéma français a-t-il voulu se différencier de cette ferveur mondiale qui a été charmée par George Valentin, star du muet qui voit arriver son déclin avec la naissance du cinéma parlant ?
Certes c’est un hommage à l’âge d’or du cinéma hollywoodien, The Artist a su toucher les américains puisque c’est une référence directe à  leur culture cinématographique, leurs acteurs,  une plongée dans une époque bénie qui a vu naître certains génies… génies dont s’inspirent encore aujourd’hui nombre d’artistes, primés ou non…
A trop vouloir tout intellectualiser, le cinéma français passe à côté de certaines évidences. Ou alors n’est ce pas profondément français, ne pas soutenir les siens ? Ou bien à retardement ? Ne pas aller jusqu’au bout du rêve ? Ne pas avoir la gagne ni aimer les gagnants ? Vous pensez que j’exagère ?
Je ne dis pas qu’Omar Sy ne mérite pas son prix, mais sous prétexte d’une avalanche médiatique en sa faveur, le cinéma français n’a pas plébiscité Jean Dujardin, est-ce parce que ce dernier préfigurerait t-il inconsciemment un cinéma qui leur fait peur ? Un « guignolo de service » peut réussir.  Sans parcours préétabli.
Je n’aime d’ailleurs pas ce qualificatif de « guignolo de service ». Il est avant tout un acteur. Qui ne se prend pas au sérieux et qui va au bout des choses, y compris, parfois au bout de l’absurde, en cela il a été rafraîchissant. Il serait tout aussi rafraîchissant d’essayer de changer les mentalités françaises qui voient d’un mauvais œil cette réussite inattendue. Dois-je ressortir ce cliché qui n’en est pas un, ici en France on vous raye votre voiture rutilante par jalousie/envie/frustration (rayez la mention inutile !), dans d’autres pays, on vous encourage, on vous admire, on vous respecte, malgré les moyens que vous avez utilisé, les chemins par lesquels vous êtes passé. Jean Dujardin a fait tout ce « qu’on ne conseille pas à de jeunes comédiens » pour réussir. C’est très gratifiant d’y arriver grâce également à l’instinct et à l’amour que l’on porte à ce que l’on fait, et non grâce à un réseau, un piston, un nom déjà établi par Papa ou Maman…
Avec cet état d’esprit – regarder de haut les gagnants – on comprend pourquoi ce sont les mêmes losers depuis 30 ans qui « gouvernent » ce pays, les mêmes vieux croûtons, qui passent à tour de rôle tandis que le pays s’enlise, si seulement le peuple avait le courage d’oser aller voir ailleurs, après tout, qu’est ce que cela a changé dans leur quotidien d’avoir toujours voté pour les mêmes ? A rien.
J’invite ceux que cela intéresserait à regarder la Une des journaux il y a 30 ans – ce que j’ai fais – force est de reconnaître que « crise ou pas crise », depuis 30 ans  les gros titres ressemblent à ce qu’on peut lire aujourd’hui, rien n’a changé. La mémoire est décidément trop courte et sélective…
J’en reviens à ce qui m’a animé pour la rédaction de ce billet, Omar Sy, ou plus exactement un commentaire d’une jeune femme qui suite à  une critique au sujet de l’interprétation d’Omar Sy dans le film « Intouchables » a répondu «  vous n’auriez pas dis cela s’il avait été blanc, on ne s’en sortira jamais dans ce pays ». Fin de citation.
Effectivement. On ne s’en sortira  jamais avec de telles réflexions. Les siennes !  Selon vous, sous prétexte qu’une personne est noire, nous ne pouvons pas la critiquer ? Je crois qu’il serait plus que temps d’être au-dessus de ce genre d’assertions. Il faudrait déjà commencer par comprendre qu’on ne peut pas plaire à tout le monde, quand vous faites un métier artistique, la critique (justifiée ou non) n’est jamais loin, de plus il y aura toujours des gens qui n’aimeront pas ce que vous faites, ce que vous êtes, alors cessons d’invoquer cette sempiternelle excuse de la couleur (ou de la race, ou de la religion), le propos n’est pas là et on ne s’en sortira jamais si l’on réduit les personnes à leur couleur, a contrario c’est elle qui a un problème avec  cela, pas la personne qui estime qu’Omar Sy n’est pas à ses yeux, un si bon acteur, ou que son rôle dans Intouchables ne méritait pas un César.
Si demain quelqu’un critique mon travail je ne vais pas me cacher derrière ma couleur, ce serait d’ailleurs un déshonneur, vis-à-vis de mes origines,  il n’est pas question de partir du principe que si j’avais été blanche j’aurais eu plus de chance. A un moment, il faut arrêter de se victimiser, laissons notre couleur telle quelle – belle au demeurant – et acceptons la critique comme il se doit, comme n’importe quel être humain.  Notre monde va de plus en plus à la censure et au muselage, et comme tout esprit qui tend à devenir limité, les gens confondent tout et s’emprisonnent eux-mêmes dans la bêtise, bêtise qu’ils croient combattre.
Qu’on ne vienne pas me dire que la réalité est tout autre, la réalité d’une fille noire je le vis au quotidien et jamais je ne me suis sentie mise à l’écart à cause de ma couleur, jamais je ne me suis faite cette réflexion « c’est parce que je suis noire »… Et je n’aimerais pas un jour l’affirmer.
Le racisme primaire découle de l’ignorance, éduquons nos enfants en comblant ce manque d’ignorance. L’être humain a peur de ce qu’il ne connait pas, de ce qui lui est étranger, de l’étranger, d’où beaucoup d’amalgames sur les façons de vivre, sur les croyances qui ne sont pas les siennes.
On peut objectivement ne pas aimer l’acteur Omar Sy sans être raciste.
Ne nous trompons pas d’ennemis !
Et bien évidemment, bravo à Jean Dujardin et Omar Sy !

Montage photo Andrea allée des oscars entourée des statuettes formant une haie de chaque côté

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